Olivier DUPUIS
Article paru sur RTBF.be
En Région bruxelloise, 4 enfants sur 10 vivent sous le seuil de pauvreté. Soit 6 ou 7 enfants dans certaines communes. Le taux de chômage est de 20 %, celui des jeunes approche les 30 %. Taux qui dépasse les 50 % dans certains quartiers. En Région bruxelloise, un garçon sur quatre quitte l’école sans diplôme de l’enseignement secondaire supérieur. En Région bruxelloise, la seule commune de Bruxelles-ville accueille autant de demandeurs d’asile que la Flandre et la Wallonie réunies … En Région bruxelloise, on assiste à l’exode annuel de quelques 10 000 ménages (souvent à deux revenus) vers la Flandre ou la Wallonie 1. En Région bruxelloise, nous sommes assis sur une bombe sociale à retardement.
Seule une politique d’achat social via l’inclusion dans une multitude de tribus subsidiées, a empêché, jusqu’ici, l’explosion. Car, à y regarder de près, notre organisation politique et sociale s’apparente désormais à un système tribal extrêmement complexe. Aux tribus « originaires », néerlandophone et francophone, « laïques » et « confessionnelles », se sont ajoutées et imbriquées, depuis 1919 et l’instauration du système proportionnel, de nombreuses autres tribus et sous-tribus. A la fin des années 70, les tribus politiques, dites traditionnelles, chrétienne, libérale et socialiste, se sont dédoublées, en autant de tribus néerlandophones et francophones. S’y sont ajoutés les petits belgicains du FDF, les écologistes francophones et néerlandophones, les Flamands irréductibles du Vlaams Belang, les indépendantistes de la NVA, les tribus qui nous arrivent d’ailleurs : des pays de l’Union européenne ou de Turquie, du Maroc, du Congo, du Pakistan, …
Cet imbroglio tribal avec ses incontournables et savants découpages du gâteau (subsides, allocations, postes, passe-droits, …) ne peut donc être réduit, en Région bruxelloise, à la seule dimension communautaire dans le sens traditionnel que l’on donne à ce mot en Belgique. Il est aussi le produit de cette dégénérescence du politique qui a pour nom savant « consociativisme », un euphémisme pour le terme très peu politiquement correct en Belgique de « particratie ». Et pour nom commun « consensus à la belge ». Celui-là même qui a été érigé en vertu suprême, alors que c’est précisément la pathologie, pour reprendre la formule de Luc Boltanski 2.
C’est la combinaison du communautarisme et de la particratie proportionnaliste qui, pour reprendre le diagnostic de Luc Van Campenhout, « bloque la capacité de décision et d’action collective. » 3 Y compris, bien sûr, la capacité de réformer le système politique.
Ajoutons à cette bombe sociale et à cette dégénérescence du politique, la légèreté avec laquelle, notre fausse modestie aidant, nous assumons nos responsabilités d’hôtes de la capitale de l’Union européenne : une mobilité désastreuse, des transports en commun insuffisants, des voiries mal entretenues, une propreté des lieux publics insatisfaisante, des problèmes d’insécurité réels mêmes si comparables à ceux de la plupart des grandes villes européennes, … Une attitude qui confine avec l’irresponsabilité. Car, contrairement à ce qu’a affirmé Philippe Van Parijs 4, il n’est pas inscrit dans les astres que Bruxelles restera ad vitam aeternam la capitale de l’Union du simple fait d’un article de traité qui ne peut être modifié qu’à l’unanimité. L’histoire est jonchée de traités dénoncés, de pactes rompus. Dernier en date : le Pacte Européen de Stabilité.
Nul besoin de vouloir rivaliser avec Londres, Paris ou New York : notre « petite ville-monde », pour reprendre la belle formule d’Eric Corijn, doit urgemment se penser aussi en capitale de l’Union avec un bassin fiscal qui lui corresponde, un réseau de transports en commun digne de ce nom, un réseau d’enseignement bi-multilingue, une politique volontariste de dissolution des ghettos, …
Ne nous y trompons donc pas. La résolution de la question bruxelloise ne passe pas seulement par le dépassement du clivage communautaire traditionnel. Supprimer les communautés linguistiques et régionaliser leurs compétences, favoriser l’émergence de partis et de listes bilingues en Région bruxelloise, aussi nécessaires qu’elles soient, ces réformes ne suffiront pas. En Région bruxelloise (comme d’ailleurs dans la Belgique toute entière) c’est l’ensemble des logiques tribales qu’il faut éradiquer.
Prenons donc au mot Luc Van Campenhout. Tentons d’esquisser un scénario sur « le »comment faire » … pour recréer du pouvoir ». 5 Pouvoir de gouverner, de réformer, … s’entend. Pour la Région bruxelloise, cela implique de répondre simultanément à deux défis : éradiquer le système tribal et garantir la participation des deux communautés « historiques » à la vie publique régionale. Et par un préalable : réformer notre système électoral. (à suivre)
La mère de toutes les batailles bruxelloises
La problématique de l’éradication de notre système tribal et de l’établissement de garanties de participation à la vie publique en Région bruxelloise pour les deux communautés « historiques » ne peut, bien évidemment, se réduire à la seule réforme du système électoral. Cependant notre conviction est que celle-ci constitue la mère de toutes les (autres) batailles pour une meilleure gouvernance et pour un dépassement de la ségrégation sur base communautaire sous toutes ses formes. Si, par ailleurs, nous avons à l’esprit qu’il n’existe aucun système électoral parfait, nous savons qu’il y en existe de meilleurs et de (nettement) moins bons. Les défauts du nôtre, proportionnel, ne manquent pas : il prive l’électeur (au profit des présidents de partis) de la possibilité de choisir son gouvernement, il décourage les véritables alternances, il entrave les décisions au profit de compromis souvent improbables, il est consubstantiel au clientélisme, il fige les populations dans leurs appartenances tribales, il ne favorise pas ce que les anglo-saxons appellent l’accountability, le devoir de rendre des comptes.
Imaginons donc un Parlement de la Région bruxelloise, actuellement pléthorique avec ses 89 membres, qui n’en compterait plus que 63. Pour répondre aux exigences de gouvernement et de représentation des deux communautés linguistiques, ces parlementaires seraient élus sur base d’un nouveau système électoral combinant une représentation proportionnelle et une représentation majoritaire 6.
Dans ce système électoral mixte, les électeurs auraient deux bulletins de vote. Avec le premier ils choisiraient un des 30 députés élus au scrutin majoritaire à un tour. Les candidats à cette élection seraient sélectionnés au cours de primaires organisées par les différents partis ou listes dans chacune des 30 circonscriptions de la Région. Avec le second bulletin, ils participeraient à l’élection de 33 députés élus à la proportionnelle pure 7 sur des listes bilingues fermées 8. Chaque parti ou liste organiserait des primaires au niveau régional pour établir la liste des candidats à la proportionnelle. Afin de garantir la présence d’élus néerlandophones, ces listes devraient comporter au moins un candidat néerlandophone dans les trois premières places, deux candidats néerlandophones dans les six premières places, trois candidats néerlandophones dans les neuf premières places. Les listes qui ne respecteraient pas les critères de bilinguisme devraient obtenir au moins 5% des voix pour se voir attribuer des représentants dans le collège proportionnel.
Dans une Région bruxelloise correspondant à sa dimension morphologique 9 – quelques deux millions d’habitants dont 400.000 néerlandophones – un tel système électoral devrait garantir l’élection de 15 à 20 élus néerlandophones (25-30 % du total) : au moins huit ou neuf dans le collège proportionnel en raison des places bloquées, au moins autant dans le collège majoritaire où, par ailleurs, l’on imagine mal de grands partis bilingues se priver, par exemple, de l’apport d’un Guy Vanhengel ou d’un Pascal Smet, si d’aventure ce dernier avait la bonne idée de revenir à Bruxelles.
Pour une démocratie de gouvernement
Mais, surtout, l’élection au scrutin uninominal à un tour de près de la moitié des députés régionaux devrait sinon obliger, du moins fortement inciter les partis à se prononcer avant les élections en faveur de telle ou telle formule de gouvernement, permettant par la même occasion aux citoyens – et non plus aux seuls présidents de parti – d’opter clairement pour une majorité de gouvernement. Enfin, de par sa logique propre, le système majoritaire devrait favoriser les candidats bilingues et, plus généralement, les candidats les plus ouverts aux différentes communautés.
On se frottera les mains au premier rang et on hurlera dans le fond de la classe, pourra-t-on penser. Certes les défenseurs de la représentation proportionnelle comme incarnation suprême de la démocratie ne manqueront pas de partir en croisade. En réalité cependant, dans un tel scénario, c’est l’ensemble de la classe politique qui devrait se repenser. Les « petits » partis bien sûr, mais surtout les « grands » qui devraient abandonner chansons et postures idéologiques d’un autre âge ainsi que de commodes pratiques clientélistes pour une approche plus ouverte, plus pragmatique, plus en phase avec les défis à relever.
Ajoutons à cette réforme électorale :
- l’obligation pour un gouvernement bruxellois de sept membres de comprendre au moins deux membres francophones et deux membres néerlandophones,
- la limitation des exécutifs communaux à cinq membres dont au moins un francophone et au moins un néerlandophone,
- l’institution d’un médiateur régional (ombudsman) chargé de recevoir et d’instruire toutes les plaintes des citoyens à l’égard de l’administration et de tout organisme public ou para-public régional, y compris les plaintes concernant la mauvaise ou la non-application des lois linguistiques,
enfin et surtout,
- l’instauration d’un réseau régional d’enseignement bilingue, dont le ministre de tutelle serait alternativement néerlandophone ou francophone.
L’ensemble de ces garanties devraient rassurer les membres des deux communautés linguistiques de Bruxelles mais aussi la Flandre et la Wallonie dont l’accord est indispensable pour toute modification de l’architecture institutionnelle de la Région bruxelloise 10.
La gravité de la situation de la Région bruxelloise est telle qu’une septième réforme de l’Etat qui lui soit entièrement consacrée apparaît désormais indispensable. Y-aura-t-il des personnalités politiques bruxelloises, néerlandophones et francophones, qui auront, avant leur retraite politique, la lucidité qui fut celle, tardive, d’un Guy Spitaels : « A aucun niveau du pouvoir, il n’est bon qu’il n’y ait pas d’alternance. » 11 ?
(la version sur RTBF.be est un peu plus courte)
Notes:
Article paru sur RTBF.be
En Région bruxelloise, 4 enfants sur 10 vivent sous le seuil de pauvreté. Soit 6 ou 7 enfants dans certaines communes. Le taux de chômage est de 20 %, celui des jeunes approche les 30 %. Taux qui dépasse les 50 % dans certains quartiers. En Région bruxelloise, un garçon sur quatre quitte l’école sans diplôme de l’enseignement secondaire supérieur. En Région bruxelloise, la seule commune de Bruxelles-ville accueille autant de demandeurs d’asile que la Flandre et la Wallonie réunies … En Région bruxelloise, on assiste à l’exode annuel de quelques 10 000 ménages (souvent à deux revenus) vers la Flandre ou la Wallonie 1. En Région bruxelloise, nous sommes assis sur une bombe sociale à retardement.
Seule une politique d’achat social via l’inclusion dans une multitude de tribus subsidiées, a empêché, jusqu’ici, l’explosion. Car, à y regarder de près, notre organisation politique et sociale s’apparente désormais à un système tribal extrêmement complexe. Aux tribus « originaires », néerlandophone et francophone, « laïques » et « confessionnelles », se sont ajoutées et imbriquées, depuis 1919 et l’instauration du système proportionnel, de nombreuses autres tribus et sous-tribus. A la fin des années 70, les tribus politiques, dites traditionnelles, chrétienne, libérale et socialiste, se sont dédoublées, en autant de tribus néerlandophones et francophones. S’y sont ajoutés les petits belgicains du FDF, les écologistes francophones et néerlandophones, les Flamands irréductibles du Vlaams Belang, les indépendantistes de la NVA, les tribus qui nous arrivent d’ailleurs : des pays de l’Union européenne ou de Turquie, du Maroc, du Congo, du Pakistan, …
Cet imbroglio tribal avec ses incontournables et savants découpages du gâteau (subsides, allocations, postes, passe-droits, …) ne peut donc être réduit, en Région bruxelloise, à la seule dimension communautaire dans le sens traditionnel que l’on donne à ce mot en Belgique. Il est aussi le produit de cette dégénérescence du politique qui a pour nom savant « consociativisme », un euphémisme pour le terme très peu politiquement correct en Belgique de « particratie ». Et pour nom commun « consensus à la belge ». Celui-là même qui a été érigé en vertu suprême, alors que c’est précisément la pathologie, pour reprendre la formule de Luc Boltanski 2.
C’est la combinaison du communautarisme et de la particratie proportionnaliste qui, pour reprendre le diagnostic de Luc Van Campenhout, « bloque la capacité de décision et d’action collective. » 3 Y compris, bien sûr, la capacité de réformer le système politique.
Ajoutons à cette bombe sociale et à cette dégénérescence du politique, la légèreté avec laquelle, notre fausse modestie aidant, nous assumons nos responsabilités d’hôtes de la capitale de l’Union européenne : une mobilité désastreuse, des transports en commun insuffisants, des voiries mal entretenues, une propreté des lieux publics insatisfaisante, des problèmes d’insécurité réels mêmes si comparables à ceux de la plupart des grandes villes européennes, … Une attitude qui confine avec l’irresponsabilité. Car, contrairement à ce qu’a affirmé Philippe Van Parijs 4, il n’est pas inscrit dans les astres que Bruxelles restera ad vitam aeternam la capitale de l’Union du simple fait d’un article de traité qui ne peut être modifié qu’à l’unanimité. L’histoire est jonchée de traités dénoncés, de pactes rompus. Dernier en date : le Pacte Européen de Stabilité.
Nul besoin de vouloir rivaliser avec Londres, Paris ou New York : notre « petite ville-monde », pour reprendre la belle formule d’Eric Corijn, doit urgemment se penser aussi en capitale de l’Union avec un bassin fiscal qui lui corresponde, un réseau de transports en commun digne de ce nom, un réseau d’enseignement bi-multilingue, une politique volontariste de dissolution des ghettos, …
Ne nous y trompons donc pas. La résolution de la question bruxelloise ne passe pas seulement par le dépassement du clivage communautaire traditionnel. Supprimer les communautés linguistiques et régionaliser leurs compétences, favoriser l’émergence de partis et de listes bilingues en Région bruxelloise, aussi nécessaires qu’elles soient, ces réformes ne suffiront pas. En Région bruxelloise (comme d’ailleurs dans la Belgique toute entière) c’est l’ensemble des logiques tribales qu’il faut éradiquer.
Prenons donc au mot Luc Van Campenhout. Tentons d’esquisser un scénario sur « le »comment faire » … pour recréer du pouvoir ». 5 Pouvoir de gouverner, de réformer, … s’entend. Pour la Région bruxelloise, cela implique de répondre simultanément à deux défis : éradiquer le système tribal et garantir la participation des deux communautés « historiques » à la vie publique régionale. Et par un préalable : réformer notre système électoral. (à suivre)
La mère de toutes les batailles bruxelloises
La problématique de l’éradication de notre système tribal et de l’établissement de garanties de participation à la vie publique en Région bruxelloise pour les deux communautés « historiques » ne peut, bien évidemment, se réduire à la seule réforme du système électoral. Cependant notre conviction est que celle-ci constitue la mère de toutes les (autres) batailles pour une meilleure gouvernance et pour un dépassement de la ségrégation sur base communautaire sous toutes ses formes. Si, par ailleurs, nous avons à l’esprit qu’il n’existe aucun système électoral parfait, nous savons qu’il y en existe de meilleurs et de (nettement) moins bons. Les défauts du nôtre, proportionnel, ne manquent pas : il prive l’électeur (au profit des présidents de partis) de la possibilité de choisir son gouvernement, il décourage les véritables alternances, il entrave les décisions au profit de compromis souvent improbables, il est consubstantiel au clientélisme, il fige les populations dans leurs appartenances tribales, il ne favorise pas ce que les anglo-saxons appellent l’accountability, le devoir de rendre des comptes.
Imaginons donc un Parlement de la Région bruxelloise, actuellement pléthorique avec ses 89 membres, qui n’en compterait plus que 63. Pour répondre aux exigences de gouvernement et de représentation des deux communautés linguistiques, ces parlementaires seraient élus sur base d’un nouveau système électoral combinant une représentation proportionnelle et une représentation majoritaire 6.
Dans ce système électoral mixte, les électeurs auraient deux bulletins de vote. Avec le premier ils choisiraient un des 30 députés élus au scrutin majoritaire à un tour. Les candidats à cette élection seraient sélectionnés au cours de primaires organisées par les différents partis ou listes dans chacune des 30 circonscriptions de la Région. Avec le second bulletin, ils participeraient à l’élection de 33 députés élus à la proportionnelle pure 7 sur des listes bilingues fermées 8. Chaque parti ou liste organiserait des primaires au niveau régional pour établir la liste des candidats à la proportionnelle. Afin de garantir la présence d’élus néerlandophones, ces listes devraient comporter au moins un candidat néerlandophone dans les trois premières places, deux candidats néerlandophones dans les six premières places, trois candidats néerlandophones dans les neuf premières places. Les listes qui ne respecteraient pas les critères de bilinguisme devraient obtenir au moins 5% des voix pour se voir attribuer des représentants dans le collège proportionnel.
Dans une Région bruxelloise correspondant à sa dimension morphologique 9 – quelques deux millions d’habitants dont 400.000 néerlandophones – un tel système électoral devrait garantir l’élection de 15 à 20 élus néerlandophones (25-30 % du total) : au moins huit ou neuf dans le collège proportionnel en raison des places bloquées, au moins autant dans le collège majoritaire où, par ailleurs, l’on imagine mal de grands partis bilingues se priver, par exemple, de l’apport d’un Guy Vanhengel ou d’un Pascal Smet, si d’aventure ce dernier avait la bonne idée de revenir à Bruxelles.
Pour une démocratie de gouvernement
Mais, surtout, l’élection au scrutin uninominal à un tour de près de la moitié des députés régionaux devrait sinon obliger, du moins fortement inciter les partis à se prononcer avant les élections en faveur de telle ou telle formule de gouvernement, permettant par la même occasion aux citoyens – et non plus aux seuls présidents de parti – d’opter clairement pour une majorité de gouvernement. Enfin, de par sa logique propre, le système majoritaire devrait favoriser les candidats bilingues et, plus généralement, les candidats les plus ouverts aux différentes communautés.
On se frottera les mains au premier rang et on hurlera dans le fond de la classe, pourra-t-on penser. Certes les défenseurs de la représentation proportionnelle comme incarnation suprême de la démocratie ne manqueront pas de partir en croisade. En réalité cependant, dans un tel scénario, c’est l’ensemble de la classe politique qui devrait se repenser. Les « petits » partis bien sûr, mais surtout les « grands » qui devraient abandonner chansons et postures idéologiques d’un autre âge ainsi que de commodes pratiques clientélistes pour une approche plus ouverte, plus pragmatique, plus en phase avec les défis à relever.
Ajoutons à cette réforme électorale :
- l’obligation pour un gouvernement bruxellois de sept membres de comprendre au moins deux membres francophones et deux membres néerlandophones,
- la limitation des exécutifs communaux à cinq membres dont au moins un francophone et au moins un néerlandophone,
- l’institution d’un médiateur régional (ombudsman) chargé de recevoir et d’instruire toutes les plaintes des citoyens à l’égard de l’administration et de tout organisme public ou para-public régional, y compris les plaintes concernant la mauvaise ou la non-application des lois linguistiques,
enfin et surtout,
- l’instauration d’un réseau régional d’enseignement bilingue, dont le ministre de tutelle serait alternativement néerlandophone ou francophone.
L’ensemble de ces garanties devraient rassurer les membres des deux communautés linguistiques de Bruxelles mais aussi la Flandre et la Wallonie dont l’accord est indispensable pour toute modification de l’architecture institutionnelle de la Région bruxelloise 10.
La gravité de la situation de la Région bruxelloise est telle qu’une septième réforme de l’Etat qui lui soit entièrement consacrée apparaît désormais indispensable. Y-aura-t-il des personnalités politiques bruxelloises, néerlandophones et francophones, qui auront, avant leur retraite politique, la lucidité qui fut celle, tardive, d’un Guy Spitaels : « A aucun niveau du pouvoir, il n’est bon qu’il n’y ait pas d’alternance. » 11 ?
(la version sur RTBF.be est un peu plus courte)
Notes:
- « Les classes moyennes disparaissent de Bruxelles », Mathieu Colleyn, La Libre, 12 novembre 2013
- Luc Boltanski, « La pathologie, c’est le consensus », Libération, 13 septembre 2013, interviewé par Sylvain Bourneau et Anastasia Vécrin
- Luc Van Campenhoudt, « Comment mettre un frein à l’immobilisme? », La Libre, 5 septembre 2013
- « Must Brussels’s communes be merged », Conférence organisée par Brussels Studies Institute, 2 octobre 2013
- Luc Van Campenhoudt, « Comment mettre un frein à l’immobilisme? », La Libre, 5 septembre 2013
- Largement inspiré du système en vigueur en Allemagne, il s’en différencie néanmoins en ce qu’il supprime le lien entre le collège proportionnel et le collège majoritaire.
- Suppression du système D’Hondt.
- Le système des préférences et le système des suppléances sont supprimés.
- En incluant dans la Région bruxelloise, sans modifier la frontière linguistique, une vingtaine de communes du Brabant wallon et du Brabant flamand, dont, par exemple, Rixensart, Braine-l’Alleud, Lasne et Tubize, Halle, Zaventem, Overijse et Grand-Bigard.
- La Région bruxelloise ne jouit pas de l’autonomie constitutive.
- Guy Spitaels, RTBF.info, 10 octobre 2011