Alain MASKENS
gva.be Au lendemain du consensus sur BHV, revoici la négociation sur les finances et les transferts de compétences. Et l’on voit à nouveau se profiler un scenario inquiétant : le troc d’une co-gestion accrue de Bruxelles par la Flandre et la Communauté française en échange d’un financement amélioré.
En effet :
1) Sur le plan financier, Bruxelles est aux abois. Cela fait déjà 11 ans que des scientifiques l’ont montré: un financement juste de Bruxelles nécessite un complément annuel de 500 à 700 millions d’euros . Ce qui fait quand même un manque cumulé de 5,5 à 7,7 milliards. Un financement plus adapté est urgentissime.
2) Pour des raisons de stabilité socio-économique, les partis veulent aboutir rapidement à un accord institutionnel (à juste titre).
3) Les négociations actuelles sont menées par des partis communautaires, basés sur l’identité linguistique. Personne n’y représente la volonté de la population bruxelloise en tant que telle.
4) La demande de plus de co-gestion est inscrite depuis 1999 dans les résolutions du parlement flamand, votées à une très large majorité. Elle est est exigée principalement par le CD&V, avec la N-VA dans le dos.
5) Les quatre partis francophones traditionnels sont en fait eux également favorables à la co-gestion de Bruxelles par la Flandre et la Communauté française : aucun (du moins au niveau des oligarchies qui les dirigent) n’est prêt à transférer les principales compétences actuelles de la Communauté française vers la Région bruxelloise . Augmenter la co-gestion en transférant d’autres compétences du Fédéral vers les deux Communautés ne leur posera dès lors pas de gros problème, si cela permet de résoudre le problème financier de Bruxelles et de ficeler rapidement un accord de gouvernement.
Déjà dans la note Di Rupo, le ton est donné :
« Une grande réforme de l’Etat sera mise en œuvre, avec à la clé des Régions et Communautés beaucoup plus autonomes et plus responsables et un Etat fédéral plus efficace »
Dans cette note, de nombreuses petites compétences renforcent page après page le poids et la stabilité des institutions communautaires.
Mais d’autres compétences cruciales comme les allocations familiales et de nombreux pans des soins de santé seraient également communautarisées – en réservant toutefois leur gestion à Bruxelles à la COCOM (Commission Communautaire Commune), un bazar communautaire au carré, porte ouverte à l’inefficience, aux blocages, et, in fine, à la dépendance par rapport aux pouvoirs politiques communautaires, francophones ou flamands. Au secours !
Bien évidemment, la co-gestion, la majorité des Bruxellois n’en veulent pas.
Et pourtant, le public n’en est pas toujours conscient, mais une co-gestion avancée est déjà à l’œuvre, dans des domaines aussi importants pour Bruxelles que l’enseignement, la culture, l’aide à la jeunesse et les sports, l’accueil des primo-arrivants, la médecine préventive etc… En effet, dans tous ces domaines, le gouvernement Bruxellois n’est pas compétent. Ce sont le gouvernement flamand et celui de la Communauté française (contrôlé par un parlement où les Wallons sont très largement majoritaires et où les Bruxellois n’ont aucun élu direct) qui s’occupent de ces matières.
Ce système de co-gestion est compliqué, désarticulé et inefficace. Il sépare artificiellement les institutions bruxelloises en réseaux distincts. Il a prouvé son incapacité à résoudre en profondeur les plus graves des problèmes auxquels les Bruxellois sont exposés aujourd’hui: un enseignement aux résultats désastreux, et le chômage des jeunes qui en résulte, véritable drame pour de nombreuses familles bruxelloises.
En bon français, les plus démunis des Bruxellois sont dès à présent pris en otage à cause du financement injuste de la Région, et Charles Picqué qui en a la charge au quotidien se trouvera dans les jours qui viennent devant un dilemme terrible : accepter ou refuser le marchandage: financement amélioré contre une co-gestion plus lourde.
Marchandage menaçant et tout à fait explicite: c’est Bart Maddens qui l’écrivait en septembre 2010 dernier dans le Tijd : “De Vlamingen zullen dat rabiate en onredelijke verzet tegen cobestuur enkel kunnen breken door de herfinanciering van Brussel te gebruiken als onderhandelingshefboom. Anders gezegd: de Brusselse vraag naar meer en véél meer middelen is voor de Vlamingen een kostbaar wapen dat ze niet lichtzinnig of overhaast uit handen mogen geven.In Israël en Palestina streeft men van oudsher naar een vredesakkoord volgens het basisprincipe ‘land for peace'. In Brussel moet dat worden: 'geld in ruil voor cobestuur'.”
Pourtant, il faudra résister.
Pourtant, il faudra résister, parce que, à terme, un alourdissement de la co-gestion de Bruxelles par les Communautés préfigurerait la fin de la Région bruxelloise, son inféodation totale à deux gouvernements étrangers en voie de con-fédération, la séparation de sa population obligée de choisir entre les deux sous-nationalités, une gestion largement soumise aux intérêts politiques premiers des ses deux voisins.
Pourtant il faudra résister, pour rassurer une Europe inquiète de cette poussée de nationalisme identitaire.
Pourtant, il faudra résister, tout simplement par souci de démocratie et d'équité. Les Bruxellois demandent à être traités avec la même autonomie et les mêmes droits que leurs voisins.
Et il faudra expliquer avec pédagogie à l’opinion publique flamande que le statut financier de Bruxelles est injuste et que la fin d’une injustice ne se négocie pas. Elle se réclame, dans la dignité, avec obstination, sans compensation aucune.
Bruxelles n’est pas à vendre !
NB: ce texte actualise une note publiée en juin 2010.
En effet :
1) Sur le plan financier, Bruxelles est aux abois. Cela fait déjà 11 ans que des scientifiques l’ont montré: un financement juste de Bruxelles nécessite un complément annuel de 500 à 700 millions d’euros . Ce qui fait quand même un manque cumulé de 5,5 à 7,7 milliards. Un financement plus adapté est urgentissime.
2) Pour des raisons de stabilité socio-économique, les partis veulent aboutir rapidement à un accord institutionnel (à juste titre).
3) Les négociations actuelles sont menées par des partis communautaires, basés sur l’identité linguistique. Personne n’y représente la volonté de la population bruxelloise en tant que telle.
4) La demande de plus de co-gestion est inscrite depuis 1999 dans les résolutions du parlement flamand, votées à une très large majorité. Elle est est exigée principalement par le CD&V, avec la N-VA dans le dos.
5) Les quatre partis francophones traditionnels sont en fait eux également favorables à la co-gestion de Bruxelles par la Flandre et la Communauté française : aucun (du moins au niveau des oligarchies qui les dirigent) n’est prêt à transférer les principales compétences actuelles de la Communauté française vers la Région bruxelloise . Augmenter la co-gestion en transférant d’autres compétences du Fédéral vers les deux Communautés ne leur posera dès lors pas de gros problème, si cela permet de résoudre le problème financier de Bruxelles et de ficeler rapidement un accord de gouvernement.
Déjà dans la note Di Rupo, le ton est donné :
« Une grande réforme de l’Etat sera mise en œuvre, avec à la clé des Régions et Communautés beaucoup plus autonomes et plus responsables et un Etat fédéral plus efficace »
Dans cette note, de nombreuses petites compétences renforcent page après page le poids et la stabilité des institutions communautaires.
Mais d’autres compétences cruciales comme les allocations familiales et de nombreux pans des soins de santé seraient également communautarisées – en réservant toutefois leur gestion à Bruxelles à la COCOM (Commission Communautaire Commune), un bazar communautaire au carré, porte ouverte à l’inefficience, aux blocages, et, in fine, à la dépendance par rapport aux pouvoirs politiques communautaires, francophones ou flamands. Au secours !
Bien évidemment, la co-gestion, la majorité des Bruxellois n’en veulent pas.
Et pourtant, le public n’en est pas toujours conscient, mais une co-gestion avancée est déjà à l’œuvre, dans des domaines aussi importants pour Bruxelles que l’enseignement, la culture, l’aide à la jeunesse et les sports, l’accueil des primo-arrivants, la médecine préventive etc… En effet, dans tous ces domaines, le gouvernement Bruxellois n’est pas compétent. Ce sont le gouvernement flamand et celui de la Communauté française (contrôlé par un parlement où les Wallons sont très largement majoritaires et où les Bruxellois n’ont aucun élu direct) qui s’occupent de ces matières.
Ce système de co-gestion est compliqué, désarticulé et inefficace. Il sépare artificiellement les institutions bruxelloises en réseaux distincts. Il a prouvé son incapacité à résoudre en profondeur les plus graves des problèmes auxquels les Bruxellois sont exposés aujourd’hui: un enseignement aux résultats désastreux, et le chômage des jeunes qui en résulte, véritable drame pour de nombreuses familles bruxelloises.
En bon français, les plus démunis des Bruxellois sont dès à présent pris en otage à cause du financement injuste de la Région, et Charles Picqué qui en a la charge au quotidien se trouvera dans les jours qui viennent devant un dilemme terrible : accepter ou refuser le marchandage: financement amélioré contre une co-gestion plus lourde.
Marchandage menaçant et tout à fait explicite: c’est Bart Maddens qui l’écrivait en septembre 2010 dernier dans le Tijd : “De Vlamingen zullen dat rabiate en onredelijke verzet tegen cobestuur enkel kunnen breken door de herfinanciering van Brussel te gebruiken als onderhandelingshefboom. Anders gezegd: de Brusselse vraag naar meer en véél meer middelen is voor de Vlamingen een kostbaar wapen dat ze niet lichtzinnig of overhaast uit handen mogen geven.In Israël en Palestina streeft men van oudsher naar een vredesakkoord volgens het basisprincipe ‘land for peace'. In Brussel moet dat worden: 'geld in ruil voor cobestuur'.”
Pourtant, il faudra résister.
Pourtant, il faudra résister, parce que, à terme, un alourdissement de la co-gestion de Bruxelles par les Communautés préfigurerait la fin de la Région bruxelloise, son inféodation totale à deux gouvernements étrangers en voie de con-fédération, la séparation de sa population obligée de choisir entre les deux sous-nationalités, une gestion largement soumise aux intérêts politiques premiers des ses deux voisins.
Pourtant il faudra résister, pour rassurer une Europe inquiète de cette poussée de nationalisme identitaire.
Pourtant, il faudra résister, tout simplement par souci de démocratie et d'équité. Les Bruxellois demandent à être traités avec la même autonomie et les mêmes droits que leurs voisins.
Et il faudra expliquer avec pédagogie à l’opinion publique flamande que le statut financier de Bruxelles est injuste et que la fin d’une injustice ne se négocie pas. Elle se réclame, dans la dignité, avec obstination, sans compensation aucune.
Bruxelles n’est pas à vendre !
NB: ce texte actualise une note publiée en juin 2010.