Alain MASKENS
© Cost - levif.be En 2006, l’Appel des Bruxellois disait:
« Nous devrons mettre en place, avec les deux autres Régions, un organe capable de repenser en profondeur la répartition de l'emploi et du logement entre la Région bruxelloise et sa périphérie brabançonne, et d'organiser en conséquence l'affectation du sol et la mobilité dans l'ensemble de ce territoire »
Quelques mois après, sur le même thème, le 2ème Manifeste Bruxellois demandait que l’évolution de nos institutions « permette une meilleure intégration fonctionnelle entre le territoire de la Région et sa périphérie brabançonne » :
« La frontière régionale qui enserre Bruxelles a été calquée sur une frontière linguistique sans rapport avec les réalités régionales, qu’elles soient historiques, géographiques, ou socio-économiques. Ce fait rend impossible la mise en place d’un projet cohérent pour la gestion des nombreux domaines tels la mobilité, l’aménagement du territoire, l’environnement etc.., dont l’assise territoriale dépasse – et a toujours dépassé – le tracé mis en place en 1989. Sans remettre en cause en général le positionnement de la frontière linguistique, nous demandons donc que les implications de ce tracé en tant que frontière régionale fassent l’objet d’une analyse approfondie, afin que puissent être proposées des mesures permettant une meilleure intégration fonctionnelle entre Bruxelles et sa périphérie.
Concrètement, la conclusion rapide d'accords de coopération entre Régions dans les domaines susmentionnés, ainsi que l'intégration des sociétés de transport à Bruxelles, par exemple dans le contexte d'une communauté urbaine associant la ville-région et son hinterland, sont indispensables. Si cela s'avérait impossible à brève échéance, une alternative cohérente serait l'élargissement de la Région eu égard à ses compétences territoriales, afin de la faire mieux correspondre aux limites de la ville. »
L’actuel projet de 6e réforme de l’Etat inclut la création d’une communauté métropolitaine de Bruxelles. Le projet de loi spéciale prévoyant la création de cette communauté a été approuvé ce 11 juin en commission des affaires institutionnelles du Sénat (voir annexe plus bas).
Aurions-nous été entendus ?
Hélas : tel quel, le projet est dès à présent condamné à l’immobilisme, sauf sur un point, contraignant … pour Bruxelles.
En effet, s’agissant de ses modalités de fonctionnement, la loi spéciale n’impose rien, mais prévoit : « Les régions concluent un accord de coopération pour fixer les modalités et l'objet de cette concertation. » Donc, sauf accord avec la Région flamande où la N-VA est au gouvernement, rien ne se passera. Donc, …
Le Conseil d’Etat relève d’ailleurs que cette concertation est purement facultative, à la seule exception de celle qui concerne le fait de fermer ou de rendre inutilisables les accès et sorties du ring autoroutier de Bruxelles. Et de suggérer : « Il conviendrait dès lors par souci de sécurité juridique que le dispositif de la proposition indique plus clairement que la concertation qu'elle organise revêt un caractère facultatif, sauf en ce qui concerne « le fait de fermer ou de rendre inutilisable les accès et sorties du ring autoroutier de Bruxelles (R0) ».
Il faut donc se rendre à l’évidence, la demande du Manifeste Bruxellois a été ignorée, et rien dans le projet de 6ème réforme ne permettra une bonne concertation entre Bruxelles et ses communes périphériques - sauf en ce qui concerne les accès autoroutiers, où la Flandre était demanderesse, voulant se mettre à l’abri de mesures bruxelloises de régulation du trafic. Pire : la concertation obligatoire sur ce point n’implique même pas la création préalable de la communauté métropolitaine, puisque, comme le prévoir le dernier alinéa du projet de loi : « À titre transitoire, la concertation prévue à l'alinéa 3 a lieu en dehors de la communauté métropolitaine dans l'attente de la conclusion de l'accord de coopération visé à l'alinéa 2 » Les écolos bruxellois apprécieront certainement.
Comme le disait le Manifeste : « Si cela s'avérait impossible à brève échéance, une alternative cohérente serait l'élargissement de la Région eu égard à ses compétences territoriales(1), afin de la faire mieux correspondre aux limites de la ville. »
La conclusion est claire : il nous faut aujourd’hui militer en faveur de la restauration d’une dimension gérable et viable pour l’entité régionale bruxelloise.
Bien à vous,
Alain Maskens
(1) C'est à dire ajuster la frontière régionale de Bruxelles. J'ajoute pour être clair et précis: ajuster la frontière régionale de Bruxelles ne signifie pas nécessairement modifier la frontière linguistique, c'est-à-dire modifier le statut linguistique des communes impliquées. Personnellement, je ne demande pas de modifier ce statut linguistique. Voir, pour une analyse approfondie de cette question : www.alainmaskens.be/documents/frontieresdebruxelles.pdf
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Annexe :
PROPOSITION DE LOI SPÉCIALE
CHAPITRE Ier
Disposition générale
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.
CHAPITRE II
Modifications de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles
Art. 2
L'article 92bis de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, inséré par la loi du 8 août 1988 et modifié par les lois des 16 janvier 1989, 5 mai 1993, 16 juillet 1993, 28 décembre 1994, 13 juillet 2001, 16 mars 2004 et 21 février 2010, est complété par un paragraphe 7 rédigé comme suit:
« § 7. Il est créé une communauté métropolitaine de Bruxelles en vue d'une concertation en ce qui concerne les matières visées à l'article 6, § 1er, qui sont d'importance transrégionale, en particulier la mobilité, la sécurité routière et les travaux routiers de, vers et autour de Bruxelles. Les régions sont membres de la communauté métropolitaine et les représentants de leur gouvernement y siègent. Toutes les communes de la Région de Bruxelles-Capitale et des provinces du Brabant flamand et du Brabant wallon, de même que l'autorité fédérale sont membres de droit de la communauté métropolitaine. Les provinces du Brabant flamand et du Brabant wallon sont libres d'adhérer.
Les régions concluent un accord de coopération pour fixer les modalités et l'objet de cette concertation.
Le fait de fermer ou de rendre inutilisables les accès et sorties du ring autoroutier de Bruxelles (R0) ne peut se faire qu'après concertation entre les régions au sein de la communauté métropolitaine visée à l'alinéa 1er.
À titre transitoire, la concertation prévue à l'alinéa 3 a lieu en dehors de la communauté métropolitaine dans l'attente de la conclusion de l'accord de coopération visé à l'alinéa 2. »
2 avril 2012.
Alexander De CROO.
Philippe MOUREAUX.
Dirk CLAES.
Christine DEFRAIGNE.
Bert ANCIAUX.
Marcel CHERON.
Freya PIRYNS.
Francis DELPÉRÉE.
« Nous devrons mettre en place, avec les deux autres Régions, un organe capable de repenser en profondeur la répartition de l'emploi et du logement entre la Région bruxelloise et sa périphérie brabançonne, et d'organiser en conséquence l'affectation du sol et la mobilité dans l'ensemble de ce territoire »
Quelques mois après, sur le même thème, le 2ème Manifeste Bruxellois demandait que l’évolution de nos institutions « permette une meilleure intégration fonctionnelle entre le territoire de la Région et sa périphérie brabançonne » :
« La frontière régionale qui enserre Bruxelles a été calquée sur une frontière linguistique sans rapport avec les réalités régionales, qu’elles soient historiques, géographiques, ou socio-économiques. Ce fait rend impossible la mise en place d’un projet cohérent pour la gestion des nombreux domaines tels la mobilité, l’aménagement du territoire, l’environnement etc.., dont l’assise territoriale dépasse – et a toujours dépassé – le tracé mis en place en 1989. Sans remettre en cause en général le positionnement de la frontière linguistique, nous demandons donc que les implications de ce tracé en tant que frontière régionale fassent l’objet d’une analyse approfondie, afin que puissent être proposées des mesures permettant une meilleure intégration fonctionnelle entre Bruxelles et sa périphérie.
Concrètement, la conclusion rapide d'accords de coopération entre Régions dans les domaines susmentionnés, ainsi que l'intégration des sociétés de transport à Bruxelles, par exemple dans le contexte d'une communauté urbaine associant la ville-région et son hinterland, sont indispensables. Si cela s'avérait impossible à brève échéance, une alternative cohérente serait l'élargissement de la Région eu égard à ses compétences territoriales, afin de la faire mieux correspondre aux limites de la ville. »
L’actuel projet de 6e réforme de l’Etat inclut la création d’une communauté métropolitaine de Bruxelles. Le projet de loi spéciale prévoyant la création de cette communauté a été approuvé ce 11 juin en commission des affaires institutionnelles du Sénat (voir annexe plus bas).
Aurions-nous été entendus ?
Hélas : tel quel, le projet est dès à présent condamné à l’immobilisme, sauf sur un point, contraignant … pour Bruxelles.
En effet, s’agissant de ses modalités de fonctionnement, la loi spéciale n’impose rien, mais prévoit : « Les régions concluent un accord de coopération pour fixer les modalités et l'objet de cette concertation. » Donc, sauf accord avec la Région flamande où la N-VA est au gouvernement, rien ne se passera. Donc, …
Le Conseil d’Etat relève d’ailleurs que cette concertation est purement facultative, à la seule exception de celle qui concerne le fait de fermer ou de rendre inutilisables les accès et sorties du ring autoroutier de Bruxelles. Et de suggérer : « Il conviendrait dès lors par souci de sécurité juridique que le dispositif de la proposition indique plus clairement que la concertation qu'elle organise revêt un caractère facultatif, sauf en ce qui concerne « le fait de fermer ou de rendre inutilisable les accès et sorties du ring autoroutier de Bruxelles (R0) ».
Il faut donc se rendre à l’évidence, la demande du Manifeste Bruxellois a été ignorée, et rien dans le projet de 6ème réforme ne permettra une bonne concertation entre Bruxelles et ses communes périphériques - sauf en ce qui concerne les accès autoroutiers, où la Flandre était demanderesse, voulant se mettre à l’abri de mesures bruxelloises de régulation du trafic. Pire : la concertation obligatoire sur ce point n’implique même pas la création préalable de la communauté métropolitaine, puisque, comme le prévoir le dernier alinéa du projet de loi : « À titre transitoire, la concertation prévue à l'alinéa 3 a lieu en dehors de la communauté métropolitaine dans l'attente de la conclusion de l'accord de coopération visé à l'alinéa 2 » Les écolos bruxellois apprécieront certainement.
Comme le disait le Manifeste : « Si cela s'avérait impossible à brève échéance, une alternative cohérente serait l'élargissement de la Région eu égard à ses compétences territoriales(1), afin de la faire mieux correspondre aux limites de la ville. »
La conclusion est claire : il nous faut aujourd’hui militer en faveur de la restauration d’une dimension gérable et viable pour l’entité régionale bruxelloise.
Bien à vous,
Alain Maskens
(1) C'est à dire ajuster la frontière régionale de Bruxelles. J'ajoute pour être clair et précis: ajuster la frontière régionale de Bruxelles ne signifie pas nécessairement modifier la frontière linguistique, c'est-à-dire modifier le statut linguistique des communes impliquées. Personnellement, je ne demande pas de modifier ce statut linguistique. Voir, pour une analyse approfondie de cette question : www.alainmaskens.be/documents/frontieresdebruxelles.pdf
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Annexe :
PROPOSITION DE LOI SPÉCIALE
CHAPITRE Ier
Disposition générale
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.
CHAPITRE II
Modifications de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles
Art. 2
L'article 92bis de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, inséré par la loi du 8 août 1988 et modifié par les lois des 16 janvier 1989, 5 mai 1993, 16 juillet 1993, 28 décembre 1994, 13 juillet 2001, 16 mars 2004 et 21 février 2010, est complété par un paragraphe 7 rédigé comme suit:
« § 7. Il est créé une communauté métropolitaine de Bruxelles en vue d'une concertation en ce qui concerne les matières visées à l'article 6, § 1er, qui sont d'importance transrégionale, en particulier la mobilité, la sécurité routière et les travaux routiers de, vers et autour de Bruxelles. Les régions sont membres de la communauté métropolitaine et les représentants de leur gouvernement y siègent. Toutes les communes de la Région de Bruxelles-Capitale et des provinces du Brabant flamand et du Brabant wallon, de même que l'autorité fédérale sont membres de droit de la communauté métropolitaine. Les provinces du Brabant flamand et du Brabant wallon sont libres d'adhérer.
Les régions concluent un accord de coopération pour fixer les modalités et l'objet de cette concertation.
Le fait de fermer ou de rendre inutilisables les accès et sorties du ring autoroutier de Bruxelles (R0) ne peut se faire qu'après concertation entre les régions au sein de la communauté métropolitaine visée à l'alinéa 1er.
À titre transitoire, la concertation prévue à l'alinéa 3 a lieu en dehors de la communauté métropolitaine dans l'attente de la conclusion de l'accord de coopération visé à l'alinéa 2. »
2 avril 2012.
Alexander De CROO.
Philippe MOUREAUX.
Dirk CLAES.
Christine DEFRAIGNE.
Bert ANCIAUX.
Marcel CHERON.
Freya PIRYNS.
Francis DELPÉRÉE.